Publié le 04 fév 2013Lecture 9 min
Quelle est la place du scanner dans l’exploration des BPCO ?
F. LAURENT*, G. DOURNES** *Unité d’imagerie thoracique, hôpital Haut Lévêque, CHU de Bordeaux, Pessac **Université Victor Segalen Bordeaux 2, Laboratoire de physiologie cellulaire respiratoire, Inserm U1046, Bordeaux
La BPCO , cinquième cause de mortalité à travers le monde est un désordre progressif obstruant les voies aériennes. Caractérisée par des anomalies fonctionnelles, elle se traduit anatomiquement par une destruction du parenchyme pulmonaire, l’emphysème et par une réduction irréversible du calibre des petites voies aériennes accompagné de modifications structurales des voies aériennes regroupées sous le terme de remodelage. Elle est principalement secondaire à une réponse inflammatoire exagérée à la fumée de cigarettes.
Le diagnostic de BPCO repose sur la notion de facteurs de risque (tabagisme, exposition aux polluants), de symptômes cliniques (toux, bronchorrhée, dyspnée), et d’un syndrome obstructif aux épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR). Le caractère hétérogène de la BPCO a été récemment souligné. La contribution de l’emphysème et de l’obstruction des petites voies aériennes est variable d’un sujet à l’autre et détermine le phénotype d’un patient souffrant de BPCO, ce qui peut avoir un intérêt pour la prise en charge thérapeutique. La radiographie du thorax est rarement diagnostique, mais reste une modalité d’imagerie de première intention chez les patients ayant une BPCO stable ou lors d’une décompensation, car utile pour orienter le diagnostic vers une infection bronchopulmonaire, un pneumothorax, une embolie pulmonaire ou un cancer bronchopulmonaire. La TDM est essentielle dans ces différents contextes cliniques, mais elle est aussi la modalité principale de l’évaluation de la destruction et l’étendue de l’emphysème et des anomalies structurales des voies aériennes(1). L’épaississement pariétal bronchique et l’emphysème en TDM chez les patients atteints de BPCO sont les deux paramètres les plus déterminants du degré d’obstruction au flux aérien appréciés sur les EFR (figure 1). Figure 1. Coupe tomodensitométrique axiale passant par le lobe supérieur droit (en avant) et le segment de Fowler (en arrière) chez un patient BPCO. Les bronches du lobe supérieur sont épaissies. Le segment de Fowler présente une hypoatténuation globale en rapport avec une plage d’emphysème panlobulaire. À sévérité de l’atteinte fonctionnelle égale, certains patients ont peu ou pas d’emphysème alors qu’il est très étendu pour d’autres, ce qui reflète des différences physiopathologiques importantes. Le traitement de l’emphysème progressant, sa caractérisation et la mesure objective et reproductible de sa sévérité deviennent nécessaires. Sur le plan technique, les scanners multidétecteurs permettent une acquisition en collimation fine sur l’ensemble du thorax en inspiration et en apnée. Les avantages de la TDM résident dans la simplicité de sa réalisation, la standardisation des méthodes d’acquisition et la remarquable résolution spatiale au prix d’une irradiation certes toujours trop importante, mais aujourd’hui réduite grâce aux efforts importants des constructeurs et de la communauté radiologique. Il est important de souligner que les paramètres d’acquisition peuvent être réglés de manière à obtenir une irradiation minimale sans diminuer l’information diagnostique grâce au contraste naturel des voies aériennes avec l’air intraet extrapulmonaire. L’injection de produit de contraste n’est habituellement pas nécessaire dans l’exploration des BPCO(2). L’amélioration des techniques de reconstruction bi- et tridimensionnelle a permis de mieux visualiser l’arbre aérien et les zones pulmonaires à contenu aérien(3). Les voies aériennes distales ne sont pas accessibles directement au scanner car les dimensions de leur paroi sont en deçà de son seuil de résolution, sauf lorsque la paroi est épaisse, dilatée et que l’atmosphère péribronchiolaire est occupé par autre chose que l’air intra-alvéolaire. Dans cette situation, apparaissent des images micronodulaires dites centrolobulaires car elles sont au centre du lobule pulmonaire secondaire, là ou se trouvent les bronchioles. En dehors de cette situation, les voies aériennes distales peuvent être indirectement évaluées par l’analyse visuelle de la densité du parenchyme. La densité pulmonaire mesurée en dehors des grosses bronches et gros vaisseaux est en effet la densité moyennée de celles de l’air intra-alvéolaire, du tissu pulmonaire, bronchiolaire et des parois capillaires et du sang intracapillaire. Toute modification de l’un de ces éléments est donc à l’origine d’une variation de densité. Lorsque ces images sont visibles sur les coupes en inspiration, on parle d’aspect en mosaïque et en expiration de piégeage. La recherche et la quantification d’un piégeage en TDM repose sur l’acquisition de coupes en fin d’expiration forcée. Une variante, facile à réaliser, consiste à acquérir les coupes au cours de l’expiration et serait plus sensible pour la démonstration d’un piégeage. La TDM est la technique d’imagerie la plus performante pour évaluer la présence, la distribution et la sévérité de l’emphysème, même si une maladie emphysémateuse minime peut être méconnue(4). La visualisation de petits espaces d’emphysème en TDM haute-résolution est améliorée par l’utilisation de fenêtres suffisamment étroites (1 000 UH au moins) avec des moyennes suffisamment basses (-800 UH), et par l’utilisation de projections d’intensité minimum. L’emphysème peut prendre différents aspects morphologiques sur les examens TDM. L’emphysème centrolobulaire se traduit par la présence de petites clartés focales traversées parfois par de petits vaisseaux qui représentent les artérioles centrolobulaires. Ce type d’emphysème est le plus fréquemment rencontré chez les fumeurs et prédomine habituellement dans les par ties supérieures des poumons. Lorsqu’il devient plus sévère, les zones hypodenses deviennent confluentes. Une diminution généralisée de la densité parenchymateuse pulmonaire sans hyperclarté focale définit l’emphysème panlobulaire qui se voit chez les sujets présentant une anomalie génétique de l’alpha-1-antitrypsine mais aussi chez certains fumeurs. L’emphysème paraseptal est caractérisé par des zones sous-pleurales et péribronchovasculaires d’hypodensité souvent bien limitées par une paroi bien visible. Il a une prédilection particulière pour les lobules pulmonaires périphériques sous-pleuraux le long de la plèvre médiastinale, la plèvre périphérique et les scissures. Les bulles se caractérisent par de larges étendues avasculaires partiellement limitées par une paroi fine et peuvent comprimer le parenchyme pulmonaire adjacent. La trachée et les bronches des patients BPCO sont le siège d’anomalies structurales qui sont perceptibles en TDM. La trachée en fourreau de sabre, déformation trachéale caractérisée par une réduction diffuse du diamètre frontal de la trachée intrathoracique, est caractéristique de la BPCO (figure 2). Figure 2 A. Déformation trachéale en « lame de sabre » : coupe tomodensitométrique axiale. Figure 2 B. Coupe tomodensitométrique frontale montrant une diminution du calibre transversal de la trachée au profit du calibre antéropostérieur. L’épaississement pariétal bronchique peut être présent sur les examens TDM de sujets fumeurs, surtout ceux atteints de BPCO. L’augmentation de l’épaisseur pariétale est appréciée par rapport au diamètre de la lumière de ladite bronche et de l’artère pulmonaire homologue. Des bronchectasies tubulaires (cylindriques) peuvent aussi être dépistées ainsi que des adénolectasies ou diverticules bronchiques, qui font hernie entre et à travers les cellules musculaires lisses de la paroi bronchique et correspondent à une dilatation des canaux des glandes bronchiques (figure 3). Figure 3. Coupe tomodensitométrique frontale passant par la carène chez un patient fumeur atteint de BPCO. La paroi inférieure de la bronche souche gauche présente des diverticules, ou adénolectasies. Un déficit en cartilage est aussi présent et peut être responsable d’un collapsus exagéré des lumières bronchiques sur les coupes TDM en expiration. Ce déficit en cartilage est particulièrement important au sein de la trachée et des bronches souches en cas de trachéobronchomalacie. En TDM, son diagnostic repose sur une réduction de la surface de section axiale de la lumière trachéale supérieure à 70 % lors d’une manoeuvre d’expiration forcée avec bombement très marqué de la paroi postérieure de la trachée. L’inflammation dans et autour des bronchioles chez les patients avec BPCO induit la présence de plusieurs types d’anomalies visibles en TDM. Des micronodules centrolobulaires de contours flous traduisent des épaississements des bronchioles et de l’atmosphère péribronchiolaire. Des zones mal limitées de verre dépoli reflètent aussi la présence d’une bronchiolite respiratoire ou de lésions de pneumonie interstitielle desquamative. Des hypodensités parenchymateuses étendues peuvent être secondaires à l’hypoperfusion et la redistribution vasculaire dans les territoires où l’obstruction est minime ou absente est responsable de la juxtaposition de plages de densités différentes de topographie lobulaire, périlobulaire, segmentaire ou lobaire qui sont appelées aspect de perfusion en mosaïque. Le piégeage expiratoire est sémiologiquement identique mais présent sur les coupes en expiration. La distribution anatomique et la sévérité des lésions sont des aspects importants sur le plan thérapeutique(5). La distribution peut être prédominante dans les parties supérieures ou inférieures des poumons, ou sans localisation prédominante. La méthode la plus simple pour estimer la sévérité de l’emphysème consiste à définir un grade basé sur une évaluation visuelle des coupes TDM. Une technique plus objective et reproductible consiste à établir l’histogramme de la distribution des fréquences des valeurs d’atténuation des voxels sur l’ensemble du poumon. Différents paramètres peuvent être extraits de ces histogrammes tels que le pourcentage d’emphysème et la densité du percentile. La mesure du pourcentage d’emphysème appelée aussi la technique de masque de densité est déterminée par le nombre relatif de voxels ayant une densité au-dessous d’un seuil prédéfini. La technique du percentile est définie comme la valeur en unité Hounsfield, au-dessous de laquelle un certain pourcentage des voxels préalablement choisi (5, 10 ou 15 %) ont une densité inférieure à cette valeur. Le piégeage reflète la rétention excessive de l’air dans tout ou partie du poumon et détecté en TDM sur les coupes en expiration. En cas de BPCO, les zones d’hypoatténuation incluent non seulement le piégeage mais aussi l’emphysème, ce qui complique singulièrement l’évaluation du piégeage en TDM au cours de la BPCO. L’analyse combinée des différentes données cliniques, fonctionnelles et radiologiques est importante pour définir une meilleure stratification des patients pour les études épidémiologiques et thérapeutiques. Les données TDM s’ajoutent à celles de la fonction pulmonaire chez les patients atteints de BPCO et améliorent la définition des phénotypes cliniques afin de sélectionner de meilleures stratégies thérapeutiques et d’apprécier les évolutions à long terme après traitement.
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