Publié le 22 mar 2011Lecture 10 min
Intérêt de l’autohypnose dans l’asthme
C. MARTENS, Paris
Cet article se propose d"étudier le lien entre la respiration, son vécu psychoaffectif et ses conséquences sur notre exercice. Il présente un outil original dans la prise en charge émotionnelle et psychoaffective de nos patients susceptible d’améliorer la relation malade/ médecin.
Quelques définitions La respiration s’entend comme l’ensemble des fonctions par lesquelles sont assurés les échanges avec le milieu. L’environnement psychoaffectif se comprend comme l’ensemble des sensations, des sentiments, des motivations qui accompagnent, qui caractérisent un acte, un événement, un phénomène. Affectif signifiant, ici, ce qui affecte, modifie cette sensibilité, ce sentiment ou cette passion. Prenant conscience que les médecins appartiennent à l’environnement psychoaffectif du patient, nous retenons donc de ces définitions, pour notre pratique, les notions d’é-change induisant des possibilités de changement, de la sphère psychoaffective. a Traits respiratoires dans les troubles anxieux Défaut de coordination (« dystaxie ») avec : – une ventilation courte et rapide ; – une oppression thoracique ; – de fréquentes inspirations profondes. Ces aspects peuvent éclairer le diagnostic de la présence sousjacente d’un trouble anxieux. Les patients anxieux peuvent développer une hyperventilation chronique. L’asthme e(s)t angoisse Pour éclairer les liens étroits qui existent entre respiration et environnement psychoaffectif, je prendrai l’exemple de l’asthme en rappelant qu’asthme et angoisse partagent des origines étymologiques communes. Asthme vient du latin asthma, « respiration difficile » pour lequel on trouve le sens d’« angoisse » en moyen français. Alors qu’« angoisse » vient du latin angustus qui veut dire « étroit », « serré », du verbe latin angere qui signifie « oppresser », « étrangler ». Asthme prend le sens d’angoisse et angoisse celui d’oppression. Échange de sens qui n’étonne pas les cliniciens que nous sommes. La sensation de gêne respiratoire dans l’asthme, le senti, prend une coloration affective où le ressenti devient angoissant. Il y a équivalence, con-fusion, dans le senti, le ressenti et le sens des notions d’asthme et d’angoisse. La clinique, pour sa part, peut être prise à défaut avec des symptômes d'anxiété (par exemple, la dyspnée et l'oppression) difficiles à différencier de ceux de l'asthme, tant pour le praticien que pour le patient. Rappelons que la dyspnée est une expérience subjective singulière dont les niveaux peuvent varier entre patients souffrant de degrés comparables de déficit pulmonaire. Elle peut être définie comme la perception de la difficulté respiratoire. Mais attention au couple perception/ représentation, car percevoir c’est déjà percevoir du sens. L’émotion et de forts affects étant reconnus comme des facteurs déclenchants et d’exacerbation des crises d’asthme, quel sens le patient va-t-il attribuer à son ressenti ? Quel sens donne un asthmatique anxieux à cette gêne qui peut être attribuable à son asthme ou simplement l’expression de son état anxieux ? En pratique, si l'anxiété peut être utile pour motiver certains patients à éviter les facteurs déclenchants de l'asthme, à évaluer rapidement et à répondre à des symptômes respiratoires, l'anxiété excessive quant à elle, nuit à la gestion de l'asthme (voir cas clinique). Cette jeune adolescente se plaint, d’une part, de respirations sifflantes, rapides et profondes qu’elle interprète à tort comme des crises d’asthme quand elle est confrontée à des frustrations telles que les désaccords avec sa famille ou ses amis et d’autre part, d’une anxiété excessive lorsqu’elle perçoit les prodromes de l’asthme. Alors que les patients qui ont un niveau élevé d'anxiété ont tendance à avoir une perception inexacte de leur degré d'obstruction des voies aériennes qui les conduisent à avoir une utilisation inappropriée des soins et des médicaments contre l'asthme. De plus, ces gênes respiratoires perçues lors de ses crises d’angoisse sont interprétées comme l’expression de son asthme et peuvent déclencher une hyperventilation qui évolue pour son propre compte. L’hyperventilation peut être à l’origine d’un bronchospasme, suite à l'inhalation accrue d'air froid et sec. Ainsi, la gêne respiratoire peut être l’expression d’une crise « simple » d’angoisse, d’une crise d’asthme, d’une crise d’asthme déclenchée par une anxiété excessive ou d’une crise d’angoisse déclenchée par une crise d’asthme. Comment sortir de cette confusion ? L’hyperventilation est une dyspnée, avec « incapacité de prendre une inspiration profonde » ou « manque d’air », oppression thoracique, petite toux sèche, impression d’avoir un chat dans la gorge avec raclement fréquent, besoin fréquent de soupirer et de bailler, respiration à prédominance thoracique. L’expression de l’hyperventilation peut être aiguë et brutale, le plus souvent par un tableau chronique et subtil. Cas clinique (1) Une adolescente de 12 ans est prise en charge pour un asthme corticodépendant avec des exacerbations sévères qui ont nécessité 6 admissions en unité de soins intensifs et 15 hospitalisations en 10 ans malgré une corticothérapie orale en continu depuis l’âge de 2 ans. L’examen physique révèle un aspect cushingoïde et les EFR des 6 dernières années des tests à peu près normaux. Le test de la sueur, la fibroscopie bronchique, la pHmétrie de 24 heures sont normaux. On ne retrouve pas de tabagisme passif et le bilan allergologique est normal. L’examen de ses facteurs déclenchants et d’exacerbation de crises d’asthme retrouve la réduction de la corticothérapie orale, les affections virales des voies respiratoires supérieures, l'exposition à l'air froid, l'exercice, les émotions fortes et l’anxiété excessive. Le soutien psychologique a été abandonné après 10 séances lorsque la famille a estimé que les visites étaient inefficaces, mais la patiente a accepté d'être formée à l'autohypnose pour contrôler ses symptômes respiratoires. Elle a bénéficié d’une formation à l’autohypnose par son pneumologue pédiatrique en deux séances de 45 minutes. Sevrage du salbutamol pluriquotidien en nébulisation Après 2 semaines, elle réussit à remplacer une nébulisation de salbutamol sur deux par une séance d’hypnose et après 3 mois, à se sevrer complètement du salbutamol, qu’elle utilisait plus de 4 fois par jour. Sevrage de la corticothérapie per os Elle est sevrée de ses 10 mg/jour d’hydrocortisone en 4 mois. Et à l’issue du processus de sevrage, son traitement médicamenteux comprend : – fluticasone (125 μg, 2 inhalations 2 fois par jour), salmétérol (2 inhalations 2 fois par jour) et salbutamol (0,63 mg par nébulisation) une fois par mois en moyenne. Les patients anxieux peuvent développer une hyperventilation chronique avec hypocapnie Il est important de reconnaître que l’hyperventilation peut être maintenue sans respiration exagérément visible et que les manifestations peuvent être déclenchées par de simples efforts, par l’exposition à des irritants bronchiques, ou par le stress. Les symptômes peuvent même disparaître rapidement avec la prise d’un bêta-2 agoniste ajoutant à la confusion. En pratique L'anxiété doit être considérée comme un facteur de comorbidité dans le traitement de l'asthme. Il ne faut pas limiter la recherche d'anxiété comme cause de symptômes respiratoires aux seuls patients atteints d'asthme sévère, car les échelles d'évaluation de l’anxiété chez l’enfant ont montré l’absence de corrélation entre l’anxiété et la sévérité de leur asthme. Elle peut être améliorée par l’éducation thérapeutique en fournissant aux patients des informations sur le pronostic de leur maladie, ainsi que la formation à l’évaluation exacte de leurs facteurs déclenchants et leur degré d’obstruction des voies aériennes. Il est important de valider le trouble anxieux pour recadrer le couple perception/représentation en apportant un nouvel éclairage au sens de la perception. Ce qui peut être formulé ainsi : « Compte tenu de la sévérité de votre asthme, vous pouvez vous sentir anxieux quand vous percevez une gêne ou un essoufflement. Une telle anxiété peut déclencher des symptômes respiratoires pour lesquels les traitements de l’asthme sont inefficaces et nécessiter d’autres moyens thérapeutiques ». Mais certains patients échappent à la prise en charge cognitivocomportementale de l’éducation thérapeutique et peuvent bénéficier d’un traitement plus spécifique de l'anxiété par l'autohypnose ou d'autres techniques. L'hypnose et l'autohypnose L’hypnose est un état de conscience spécifique comme en attestent les recherches effectuées sur Petscan. Cet état peut être spontané ou provoqué par une technique qui peut être enseignée et apprise. Le terme d’hypnose recouvre à la fois l’état et la technique qui l’a induite. Cette technique consiste à apprendre au patient à retrouver cet état qu'il a tant de fois vécu sans le connaître, à l'approfondir et à l'utiliser. En état de transe hypnotique, le thérapeute va utiliser des suggestions, des métaphores, afin de proposer au patient de modifier sa façon de percevoir les choses, son rapport au monde, son senti et son ressenti. Tout patient peut bénéficier de l'apprentissage de l'autohypnose, consistant à apprendre les techniques pour faire de l'hypnose seul à domicile. L’hypnose est un outil thérapeutique complémentaire modeste utilisé surtout pour soulager la souffrance et agir sur les peurs. Ses indications médicales sont la gestion de la douleur et des émotions (2). L’hypnose et l’autohypnose dans la prise en charge psychoaffective de l’asthmatique Dans notre champ d’application, la réduction de l'anxiété par l'autohypnose peut améliorer l’évaluation subjective de l’état respiratoire, permettre aux patients de réduire leur dyspnée ainsi que leur dépendance au traitement bronchodilatateur. Dans le cas clinique présenté, la pratique de l’autohypnose l’a considérablement améliorée puisqu’elle a pu être sevrée de la corticothérapie systémique et de l’utilisation pluriquotidienne d'un bronchodilatateur par nébulisation. Les indications de l’autohypnose dans l’asthme sont : – la réponse incomplète au traitement médical ; – la persistance de la dyspnée malgré une fonction respiratoire normale ; – le fait que l'anxiété et de fortes émotions déclenchent certains des symptômes respiratoires. Sur une série de 254 patients qui constituent la série de cas étudiés, 81 % des patients qui ont utilisé l’hypnose ont ressenti une amélioration. Il s’agissait de patients qui n’avaient pas répondu aux traitements médicamenteux pour des symptômes tels que : asthme, sensation d’oppression thoracique, toux, dyspnée, râles, hyperventilation ou dysfonction des cordes vocales. Les asthmatiques qui ont rapporté une amélioration ont déclaré une réduction de la fréquence et de l’intensité des crises avec l’utilisation de l’hypnose (3). Dans une étude randomisée, une répartition au hasard de patients hautement hypnotisables a mis en évidence une amélioration significative des EFR, des symptômes et une réduction de l’utilisation des bronchodilatateurs (4). L’hypnose et l’autohypnose sont des outils qui peuvent être proposés aux asthmatiques anxieux qui souhaitent apprendre à mieux évaluer et gérer leur gêne tant sur le plan respiratoire qu’affectif. Les médecins peuvent utiliser l’hypnose pour traiter différents symptômes réfractaires à la prise en charge classique ou tout au moins apprendre d’autres manières d’interagir avec leur patient sans utiliser l’hypnose « formelle ». Ils peuvent apprendre, par exemple, à identifier et utiliser les états hypnotiques spontanés de leurs patients ou à induire de tels états au cours d’entretiens dit d’hypnose « conversationnelle ».
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