Publié le 06 juil 2020Lecture 5 min
Vers la personnalisation du traitement de l’asthme selon les facteurs déclenchants
Habib CHABANE, Paris
Niespodziana K et al. Toward personalization of asthma treatment according to trigger factors. J Allergy Clin Immunol 2020 ; 145 : 1529-34.
L'asthme est une maladie invalidante chronique qui touche plus de 300 millions de personnes dans le monde. Outre les traitements anti-inflammatoires classiques, les nouvelles options thérapeutiques émergeantes semblent être très efficaces dans certains sous-groupes de patients, ce qui nécessite des biomarqueurs permettant de les sélectionner. Les auteurs de ce travail proposent d’utiliser des biopuces permettant de détecter la réactivité IgE à un large panel d’allergènes et les IgG vis-à-vis d’un panel de peptides de rhinovirus les plus courants afin de distinguer les deux principales formes d’asthme, à savoir l’asthme déclenché par des allergènes et l’asthme viro-induit, pour une prise en charge personnalisée(1). La médecine personnalisée nécessite une prise en charge de l’asthme basée sur l’identification de phénotypes cliniques et d’endotypes particuliers grâce à des biomarqueurs moléculaires. Plusieurs biomarqueurs ont été décrits dans l’asthme, mais la plupart sont expérimentaux et/ou difficilement accessibles en routine. Selon le GINA (Global Initiative for Asthma) l’asthme est une maladie hétérogène regroupant différents phénotypes cliniques résultant de mécanismes physiopathologiques spécifiques appelés endotypes. L’inflammation des voies respiratoires et l’hyperréactivité bronchique qui en résulte sont soit de type 2 (T2), regroupant les phénotypes d’asthme à début précoce et l’asthme éosinophilique à début tardif. Ces asthmes sont caractérisés notamment une éosinophilie sanguine (> 300 g/l), une augmentation de la fraction exhalée de l’oxyde nitrique (FeNO), et une sensibilisation allergique aux pneumallergènes(2). Le phénotype d’asthme T2 a un profil immunologique Th2 faisant intervenir les interleukines 4, 5 et 13 L’asthme non type 2 (non T2) regroupe l’asthme viro-induit, l’asthme associé à l’obésité, l’asthme neutrophile et l’asthme pauci-granulocytaire. L’inflammation non T2 est caractérisée par une infiltration des cellules Th1 et Th17 et des neutrophiles, faisant intervenir les interleukines 1βet 17, et les interférons(3). Les recommandations du GINA proposent des stratégies thérapeutiques basées sur des preuves robustes sans tenir compte des facteurs déclenchants qui contribuent vraisemblablement à ces phénotypes. L’exposition allergénique et les infections virales sont des facteurs déclenchants d’exacerbations d’asthme responsable d’environ 50 % du coût de prise en charge de l’asthme(1). Selon ces auteurs, les options de traitement suggérées sont limitées à quelques médicaments et peu de recommandations concernent les nouveaux produits biologiques et d’autres options thérapeutiques telles que l’immunothérapie allergénique (ITA). Les asthmes T2 ont tendance à bien répondre au traitement avec des corticoïdes ou aux biothérapies (antiIgE et anti-IL-5 ou anti-IL-4/antiIL-13). Les asthmes non T2 ont généralement une faible réactivité aux corticoïdes et plus sévères, même dans l’enfance(3). Grâce aux projets européen Medall* (voir OPA Pratique n° 306 de mai 2017) et Predicta**, deux biopuces ont été développées. La première pour analyser l’IgE-réactivité à 170 allergènes moléculaires et la seconde pour la détection d’IgG vis-à-vis d’un panel de peptides de rhinovirus A, B et C. Une augmentation des IgG détectées 11 semaines après le dosage initial au moment de l’exacerbation de l’asthme est considérée comme évocatrice d’une exacerbation viro-induite. Les données des études longitudinales de cohortes de naissance et celles d’enfants d’âge préscolaire révèlent que les infections virales sont des déclencheurs d’asthme, avant même l’apparition d’une sensibilisation allergique. D’autre part, la sensibilisation allergique précoce (dans les 3 premières années de vie) chez les atopiques est un facteur prédictif d’asthme persistant. L’importance des infections virales respiratoires et de l’exposition aux allergènes pour déclencher l’asthme semble varier selon l’âge. De plus, chacune des 2 formes d’asthme, viro-induit et l’asthme déclenché par un allergène, peut survenir indépendamment ou en combinaison chez le même individu ce qui amplifie davantage le risque d’exacerbation. On estime qu’environ un tiers des nourrissons et des toutpetits qui ont une respiration sifflante au cours des 3 premières années de vie continuent à avoir des sifflements après l’âge de 3 ans. D’où l’importance d’identifier précocement les enfants susceptibles de développer un asthme persistant.
Les premières données obtenues par ce groupe d’auteurs, suggèrent que les tests sérologiques sur biopuces pour les infections à rhinovirus peuvent s’avérer plus sensibles et spécifiques que le recueil des paramètres respiratoires et les tests PCR pour les infections à rhinovirus actuellement utilisés en routine chez les patients hospitalisés pour suspicion d’asthme viro-induit(1).
ur la base des informations fournies par ces biopuces, des traitements personnalisés peuvent être conseillés en plus des recommandations GINA. Ainsi, l’identification de certains allergènes comme facteurs déclenchants peut justifier des mesures d’éviction de l’allergène responsable et l’ITA si disponible et validée, voire un traitement par antiIgE chez les patients souffrant d’asthme sévère. Il est aussi possible de proposer des mesures barrières contre les infections virales pour prévenir l’asthme viro-induit. La vaccination contre les rhinovirus peut être une autre option à l’avenir. De plus, l’utilisation de corticoïdes peut être moins efficace et/ou déconseillée selon ces auteurs dans ce contexte d’asthme non T2. Pour les patients souffrant de formes mixtes avec des preuves d’allergènes et d’infections virales comme déclencheurs de l’asthme, il est possible que les enfants atopiques souffrant d’asthme sévère exacerbé par des infections à rhinovirus puissent se révéler de meilleurs candidats pour un vaccin ciblant ces virus, bien qu’ils soient actuellement traités par des biothérapies (omalizumab et dupilumab).
Il est nécessaire de réaliser des essais cliniques à grande échelle pour vérifier si la personnalisation du traitement de l’asthme basée sur l’identification sérologique des facteurs déclenchants peut améliorer les recommandations actuelles de prise en charge de l’asthme.
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